1993. Emmanuel croit trouver un refuge auprès de Hubert, le curé de son village en Alsace. Mais un après-midi pluvieux, Emmanuel ressort du presbytère après avoir juré de ne jamais raconter ce qui s’y est passé.
Trente ans plus tard, Emmanuel se souvient de ce jour. À la gendarmerie, il active discrètement l’enregistreur de son téléphone et commence sa déposition.
De son audition par la gendarmerie à l’exploration de ses souvenirs en passant par sa bouleversante réconciliation avec son père, le récit poignant de la reconstruction d’Emmanuel, porté par sa présence lumineuse.
Notes de la réalisatrice
Emmanuel a 40 ans. Il porte plainte.
Il porte plainte contre Hubert, l’auteur de cette lettre, un prêtre qui a abusé de lui quand
il avait 13 ans.
1993. Emmanuel vit à Courtavon, en Alsace, un village de quelque 350 habitants, près de la frontière suisse. Il est servant de messe. Le curé Hubert est jeune, il joue de la guitare et les enfants l’adorent. Les parents d’Emmanuel tiennent un restaurant, son père fait les trois-huit chez Peugeot. Emmanuel passe une grande partie de son temps avec Hubert, toujours disponible, prêt à écouter le jeune garçon des heures durant. Un jour de pluie, Emmanuel se réfugie chez Hubert, dans son presbytère. Avant d’en repartir, il lui promet de ne rien raconter de cet après-midi. Quelques jours plus tard, Emmanuel parle, mais rien ne se passe, rien ne se dit en dehors du cercle familial. Le récit se fige, il devient un secret.
Aujourd’hui, Emmanuel et son père, Robert, vivent face à face, à quelques mètres de l’église. Depuis qu’il est à la retraite, Robert ne supporte plus le poids de la culpabilité, il cherche à se racheter, remue le passé et confronte le père Hubert. Il veut savoir ce qu’il a fait à son fils. Hubert nie en bloc, ce n’est qu’une fantaisie d’enfant. Après cette rencontre il écrit à Emmanuel la lettre reproduite ici.
Plus tard, suite à la publication du rapport Sauvé en 2021, Emmanuel prend contact avec le diocèse de Strasbourg. Un rendez-vous est organisé avec Mgr Ravel qui lutte activement contre les abus sexuels au sein de l’Eglise. Après avoir entendu le récit d’Emmanuel, l’archevêque encourage le jeune homme à saisir la justice. Lui-même fera un signalement auprès de la procureure de la République de Mulhouse.
Lettre en poche, Emmanuel pousse la porte de la gendarmerie la plus proche et va se confier, trois heures durant, à l’adjudant-chef qui recueille sa plainte. Emmanuel doit alors mettre sa propre vie en récit. Clandestinement, il enregistre à l’aide de son téléphone portable. Par crainte d’abord, parce qu’il ne sait pas comment il sera reçu, ni si sa plainte sera prise au sérieux par les gendarmes. Pour garder une trace aussi, comme une preuve qu’il pourrait faire écouter à son père. Cet enregistrement est le point de départ du film.
Ce que le film donne à entendre, c’est la première fois que le souvenir se raconte avant que la machine judiciaire n’amène la victime à se répéter jusqu’à vider le discours de toute émotion, jusqu’à le rendre impersonnel et mécanique. Emmanuel comprend progressivement ce qui lui est arrivé même si, parfois, il “ne sait pas”.
La langue de l’institution, elle, ne sait pas toujours bien interpréter le doute. Mais la
procédure finit par recréer des liens que la vie a parfois abîmés. Le père écoute le fils,
le fils pardonne et retrouve un père. Emmanuel sort de la honte, il a décidé d’en finir
avec le “petit secret”.
Claudia Marschal
Juin 2024
Lu dans la presse
“Claudia Marschal prend la mesure d’un bouleversement intime et de ses retentissements collectifs.”
Télérama
“Un récit subtil, bouleversant.”
Le Monde
“Levant le voile du secret, une implacable quête d’apaisement.”
Cineuropa
CLAUDIA MARSCHAL
Après des années passées à l’étranger (Royaume-Uni, République Tchèque, Tunisie…), Claudia Marschal se forme à l’école documentaire de Lussas et réalise son premier film en France en 2010.
Elle est depuis l’autrice d’une dizaine de productions, alternant entre films pour la télévision et travaux cinématographiques plus personnels.
Souvent à la frontière du documentaire et de la fiction, ses films ont été présentés dans des festivals internationaux tels que Sheffield DocFest, Sarajevo FF, Yamagata FF, DOK Leipzig, Clermont-Ferrand…
Distribués à l’international par ZED et Lightdox, ils ont été diffusés par de nombreuses chaînes en France et à l’étranger comme Arte, France Télévisions, RTBF, RTVE, NHK, ORF, etc.
“La déposition”, son premier long métrage pour le cinéma, est distribué en France et à l’international par Shellac.
Claudia Marschal est membre du collectif 50/50 et de la Société des Réalisateurs de Films.